15г Dix et Sept DIDOT interlignés 2 points
La Folie ou Aliénation mentale, de Pinel. Cette dernière déno¬
mination a été généralement adoptée et si nous lui avons préféré celle
de folie, c’est que le sens en est plus connu pour les gens du inonde
et pour le public auquel s’adresse notre livre. Rien n’est plus difficile
qu’une bonne définition de la folie. Esquirol dit : « c’est une affection
cérébrale, ordinairement chronique, sans fièvre, caractérisée par des
désordres dans la sensibilité, de l’intelligence et de la volonté. »
Selon Georget, c’est une maladie apyrétique (sans fièvre) du cer¬
veau, ordinairement de longue durée, presque toujours avec lésions
des facultés intellectuelles et affectives, sans trouble notable dans les
sensations et les mouvements volontaires et sans désordre grave ou
même sans désordre marqué dans les fonctions nutritives, etc.
Locke avait déjà dit : « Les aliénés sont semblables à ceux qui
posent de faux principes, d’après lesquels ils raisonnent très juste
quoique les conséquences en soient erronées. »
Nous 11e pousserons pas plus loin ces réflexions ; nous ferons
seulement observer combien il est difficile de saisir le point précis où
la raison commence à devenir désordonnée et où la folie commence.
Cette question délicate et ardue, trop souvent tranchée par les
familles avec une imprudence fatale par les conséquences qui en ont
été la suite, l’ont été aussi quelquefois par les magistrats avec une
imprudence regrettable, et dans un sens opposé à l’avis des médecins,
seuls compétents, sinon infaillibles pour la résoudre, avec la sage
réserve et l’expérience de leur profession. On s’est trop persuadé
généralement que les aliénés ne raisonnent pas ; on a pris pour des
individus sains d’esprit de véritables fous, des monomanes, dérai¬
sonnant seulement sur un ou plusieurs points, sur une idée fausse,
partant, comme dit Locke, d’un principe faux et en déduisant logi¬
quement toutes les conséquences erronées.
Ces individus que l’on vous présentera comme aliénés, vous éton¬
neront par la lucidité de leur esprit.
Un aliéné causait depuis quelque temps avec un visiteur, qui, sachant avoir affaire à un
fou, était émerveillé de son calme, de sa tranquilité, surtout du charme de sa conversation ;
il allait se retirer, croyant avoir été dupe d’une mystification, lorsque le nom de Jésus-Christ
fut prononcé : « Oh ! pour ceci, dit notre homme, on sait bien que c’est moi qui suis le
Christ, ainsi, n’en parlons plus 1 etc. »
La corde sensible avait été touchée, la détente était partie, il n’y eut plus moyen d’en
tirer rien de raisonnable...
Nous pourrions multiplier les exemples à cet è yard ; nous citerons seulement le suivant:
« Un vieil employe de la Monnaie poussait l’esprit d’ordre jusqu’à la manie ; il était minu¬
tieux, morose, triste, toujours inquiet de l’avenir, il voulait que tout fut mis en place et y
restât ; une chaise, un livre, une plume dérangés le rendaient chagrin, furieux.
Voilà donc une forme de déraison dont il est difficile de préciser la nuance.
Evidemment sa raison n était pas saine et, s’il eût commis un crime, aurait-on pu en
toute justice le déclarer coupable... (Affections nerveuses, p. a34).
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