FONDERIE WARNERY FRÈRES
CINQ ELZÉVIR
INTERLIGNÉ D'UN POINT ET DEMI
L'histoire de France commence avec la langue française. La langue est le signe prin¬
cipal d'une nationalité. Le premier monument de la nôtre est le serment dicté par
Charles le Chauve à son frère, au traité de l'an huit cent quarante-trois. C'est dans le demi-
siècle suivant que les diverses parties de la France, jusque-là confondues dans une
obscure et vague unité, se caractérisent chacune par une dynastie féodale. Les popu¬
lations,si longtemps flottantes, se sontenfin fixées et assises. Nous savons maintenantoù les
prendre, et, en môme temps qu'elles existent et agissent à part, elles prennent peu à peu
une Voix; chacune a son histoire, chacune se raconte elle-même. La variété infinie du
monde féodal, la multiplicité d'objets par laquelle il fatigue au premier abord la vue et
l’attention, n'en est pas moins la révélation de notre France. Pour la première fois elle
se produit dans la forme géographique. Lorsque le vent emporte ce vain et uniforme
brouillard dont l'empire allemand avait tout couvert et tout obscurci, le pays apparaît,
dans ses diversités locales, dessiné par ses montagnes, parses rivières. Les divisions poli¬
tiques répondent ici aux divisions physiques. Bien loin qu'il y ait, comme on l a dit, de
la confusion et du chaos, c'est un ordre, une régularité inévitable et fatale. Chose bizarre 1
nos quatre-vingt-six départements répondent à peu de chose près, aux quatre-vingt-six
districts des capitulaires, d'où sont sorties la plupart des souverainetés féodales, et la
Révolution, qui venait de donner le dernier coup à la féodalité, l'a imitée malgré
elle. Le véritable point de départ de notre histoire doit être une division politique
de la France, formée d'après la division physique et naturelle. L'hietoire est d’abord
toute géographie. Nous ne pouvons raconter l'époque féodale ou provinciale, sans
avoir caractérisé chacune de nos provinces. Mais il ne suffit pas de tracer la forme
géographique de ces diverses contrées, c'est surtout par les fruits quelles s'expliquent,
par les hommes et les événements que doit offrir leur histoire. Du point où nous nous
plaçons nous prédirons ce que chacune d'elles doit faire et produire, nous leur marquerons
leurs destinées, nous les doterons à leur berceau. Et d'abord contemplons l'ensemble de la
France, pour la voir se diviser d'clle-même. Montons sur un des points élevés des
Vosges, ou, si vous le voulez, au Jura. Tournons le dos aux Alpes. Nous distinguerons,
pourvu que notre regard puisse percer l'horizon de trois cents lieues, une ligne ondu¬
leuse, qui s'étend des collines boisées du Luxembourg et des Ardennes aux ballons des
Vosges; de là, par les coteaux vineux de la Bourgogne, aux déchirements volcaniques
des Cévennes, et jusqu'au mur prodigieux des Pyrénées. Cette ligne est la séparation des
eaux : du côté occidentale, la Seine, la Loire et la Garonne descendent à l'Océan ; derrière
s'écoulent la Meuse au nord, la Saône et le Rhône au midi. Au loin, deux espèces d'iles
occidentales: la Bretagne âpre et basse, simple quartz et granit, grand écueil placé
NON INTERLIGNÉ
L'histoire est d'abord toute géographie. Nous ne pouvons raconter l'époque féodale ou
provinciale, sans avoir caractérisé chacune des provinces. Mais il ne suffit pas de tracer
la forme géographique de ces diverses contrées, c'est surtout par leurs fruits quelles
s’expliquent, je veux dire par les hommes et les événements que doit offrir leur histoire.
Du point où nous nous plaçons,nous prédironscequechacuned'ellcs doit faire et produire
nous leur marquerons leur destinée, nous les doterons à leur berceau. Et d'abord con¬
templons l'ensemble de la France, pour la voir se diviser d'clle-méme. Montons sur un
des points élevés des Vosges, où, si vous le voulez, du Jura. Tournons le dos aux Alpes
Nous distinguerons, pourvu que notre regard puisse percer l’horizon de trois cents
lieues une ligne onduleuse qui s'étend des lignes boisées du Luxembourg et des Ardennes
aux ballons des Vosges; de là, par les coteaux vineux de Bourgogne, aux déchirements
L’EAU DOIT ARRIVER EN COLONNES MONTANTES AUX ANGLES DE
1234567890 abcdefghijklmnopqrstuvxyz 12З4567890
L’histoire de France commence avec la langue Française. La langue est le signe
principal d’une nationalité. Le premier monument de la nôtre est le serment dicté par
Charles le Chauve à son frère, au traité de huit cent quarante-trois. C’est dans le demi-
siècle suivant que les diverses parties de la France, jusque là confondues dans une
obscure et vague unité, se caractérisent chacune par une dynastie féodale. Les popu¬
lations, si longtemps flottantes se sont enfin fixées et assises. Nous savons maintenant
ой les prendre, & en même temps qu’elles existent et agissent à part, elles prennent peu
à peu une voix ; chacune a son histoire, chacune se raconte elle-même. La variété infi-
LE VOYAGE DU PRÉSIDENT EN NORMANDIE